l’Œil de Rien a été crée sur une commande de la Fédération des MJC en île de France (Education polulaire), la création a été finalisée pour l’Art lanceur d’alerte, organisé par la revue Cassandre / Horschamp et Le vent se lève!
Nous
remercions le Théâtre Paris-villette et le Studio Campus pour leur aide à cette
recherche.
Des libertés publiques et de la vidéosurveillance en particulier
- Très bien merci je vous en
prie.
J'ai noté : - Défoncez-moi les frontières de l'intime.
J'ai noté : - Faire voir, faire croire, faire obéir.
J'ai noté : - “Everything is under control”.
J'ai noté : - Intime exposé, intime extorqué.
J'ai noté : - Les temps sont durs pour les pornographes.
J'ai noté : - Les scientistes sécuritaires.
J'ai noté : - Mais rien n'est perdu tant qu'il y aura l'homme parlant…
...et ses ardeurs de miaou miaou noctambules...
"La vérité est notre business, nous offrons la seule
mesure du mensonge dans l'histoire de l'humanité. Fiable à 93%. Si votre parole
ou votre réputation sont mises en cause contactez-nous pour un test validé
scientifiquement."
Cephos corporation
Du fantasme sécuritaire au fantasme technologique du
traitement de masse : la gabegie de la vidéosurveillance. De l'effarante
insensibilité de l'image transmise par la sensibilité des capteurs, l’Œil de
Rien, ou comment renvoyer un réel sensible à notre humanité devenue désormais
suspecte.
L’individu est toujours prêt à se soumettre à la nécessité,
pourvu que le vocabulaire de la liberté soit sauvegardé, et qu’il puisse parer
son obéissance servile de la glorieuse énergie d’un choix libre et personnel.
Jacques Ellul, L'illusion politique
l’Œil de Rien est le résultat d’une réflexion sur la
politique du tout visible, conduite dans l’optique illusoire du risque zéro. Il
réunit des textes épars aussi bien d’origine institutionnelle,
cinématographique que littéraire.
Cette construction que nous avons voulue hybride, se veut à la fois une traversée du miroir du médium vidéo, mais aussi un chant qui comprendrait tout à la fois l’espace sonore de nos villes hyper techniciennes et la voix archaïque du premier geste désirant de l’homme.
Cet objet expérimente le va-et-vient entre deux possibilités fondamentales de l’image: l’utilisation qui la transforme en un outil de pouvoir et son contrechamp ; la part faite sienne que porte toute image, l’imaginaire que l’on se crée « en secret », cette singulière nécessité d’une construction imageante qui fonde le sujet intime.
l’Œil de Rien tente ainsi de faire lien dans la multiplicité
des regards aveugles ou échangés, images grand-angle que des
ordinateurs-sans-nombre enregistrent à perpétuité, images répertoriées mais le
plus souvent jamais vues, et l’image exposée, surexposée, ce que le
psychanalyste Gérard Wacjman intitule l’intime extorqué.
l’Œil de Rien est un espace de jeu, où l’on s’interroge sur
la validité de la technique pensée comme fin en soi. C’est avec les résidus
jetables du toujours tout-nouveau-tout-beau que s’est construit le plateau ;
finalement le décor rejoint comme une évidence "l’accessoire" qui est
notre espace quotidien, jetable et paradoxalement validé comme essentiel. Il
tente une image retournée du « nécessaire accessoire ».
l’Œil de Rien
« L’égalité du regard, cette suite si
proche du rituel de la séduction, je la vois, elle m’a vu, elle sait que je la
vois, elle m’offre son regard mais juste à l’angle où il est encore possible de
faire comme s’il ne s’adressait pas à moi, et pour finir le vrai regard, tout
droit, qui a duré un vingt-cinquième de seconde. Le temps d’une image. »
Chris
Marker, Sans soleil
C’est
suite à une commande portant sur les libertés publiques et spécifiquement sur
la vidéosurveillance, en septembre 2010, par la Fédération des MJC d’île de
France dans le cadre de l’Education populaire et pour un public adolescent, que
nous avons porté notre attention sur cette mise en image coercitive du monde.
Ayant
une connaissance limitée de cette thématique, nous avons commencé par chercher
une première matière textuelle, essentiellement via le net, sur des sites dédiés
à la surveillance tout à la fois vendeurs ou critiques.
La
première matière sur laquelle nous nous sommes appuyés est celle du "Livre
bleu", ouvrage écrit par le lobby des industriels et de l’armement*. Ce
livre, véritable promoteur d'un changement idéologique justifie le tout
sécuritaire, dans le prétexte de protéger la population. En réalité, c’est
l'utopie d'une croissance générale, qui n'a pour objectif que des profits
circonscrits et très particuliers. Son souci étant en premier lieu
l'acceptation par la population de la surveillance, il préconise "des applications de confort ou
ludiques"**.
Dans
cette première étape et pour répondre à cette matière âpre, il nous a fallu
introduire du sensible, du poétique et comble d'ironie du ludique. Nous avons
rêvé alors largement sur les interrogations contenues dans la littérature et
les films qui qualifient le monde de « dystopique » (contraire
d’utopies) : 1984, Fahrenheit 451,
Alphaville…
*Il est intéressant de constater qu’en
bien des points la loi Loppsi 2 ne fait que répondre, à quelques années
d’intervalles, aux préconisations du Livre bleu.
**Dorénavant
sur le marché du jouet nous trouverons des poupées avec caméras incorporées,
des drones, ou pour les plus grands des possibilités de géolocalisation Ipad, Ipod, Gps, "ludiques, pratiques et conviviales
Enfoui
dans la nuit. Etre enfoui tout entier dans la nuit, comme il arrive
quelquefois qu'on enfouisse la tête pour réfléchir. Tout alentour les
hommes dorment, c'est une petite comédie qu'ils se donnent, une
innocente illusion, de penser qu'ils dorment dans des maisons, dans des
lits solides, sous des toits solides, étendus ou blottis sur des
matelas, dans des draps, sous des couvertures ; en réalité, ils se sont
retrouvés comme jadis, et comme plus tard, dans une contrée déserte, un
camp en plein vent, un nombre d'hommes incommensurable, une armée, un
peuple, sous un ciel froid, sur la terre froide ; chacun s'est jeté sur
le sol là où il était, le front pressé sur le bras, le visage tourné
vers la terre, respirant paisiblement. Et toi, tu veilles, tu es un des
veilleurs, tu aperçois le plus proche à la lueur de la torche que tu
prends du feu brulant à tes pieds… pourquoi veilles-tu ? Il faut que
l'un veille dit-on ! Il en faut un !
Franz Kafka
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