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ARGENCRATIE / Note d’intention
Le capitalisme est un système en crise permanente.
Anselm
Jappe
La crise financière, leitmotiv de début de siècle, n'est pas le produit d'une fatalité, mais d'une ignorance partagée, n’est-elle pas la crise du capitalisme même ?
Depuis un an nous
travaillons à décortiquer la question économique. Nous nous sommes amusés à tordre la langue
des VIP de l'expertise, et avons portés une oreille attentive aux voix
discordantes. Nous avons tenté une écriture propre à cette histoire, l'histoire
singulièrement tragicomique de l’enchaînement des faits et gestes de la finance
aux commandes mondiales.
Que
reste-t-il dès lors au politique ?
Que
devient le corps social ?
Comment
peut-on encore travailler, comment le travail nous fait-il, nous travaille
t’il ?
Travaillés par l’argent, que devient notre perception du temps et de la
réalité ?
Nous n’avons tenté aucune
réponse, mais interrogé un système et ce que deviennent les corps quand ils
sont impliqués dans la question du mercantilisme fait système ; ce peut
être simple et complexe, monstrueux, voir incompréhensible mais c’est à rire et
à pleurer tant la bêtise qui gouverne et s’octroie le monde est crasse.
J'ai trouvé une faille dans l'idéologie capitaliste.
Je ne sais pas à quel point elle est significative ou durable, mais cela m'a plongé dans un grand désarroi
Alan
GreenspanPrésident de la FED(Banque centrale
américaine)1987 – 2007
ARGENCRATIE /Début de dramaturgie
Parmi les éléments qui brouillent la
compréhension du monde de la finance, il y a tout d’abord un premier paravent à
désocculter : sa complexité supposée, qui empêcherait le commun des
mortels d’y comprendre quoi que ce soit. Ensuite il y a le dénigrement systématique
de toute pensée critique faite à une science qui se voudrait exacte ;
l’économie néo libérale.
Notre réel, notre espace d’action est
donc malheureusement tissé de fausses évidences. Pour le donner à voir, nous
nous sommes obligés à mastiquer la langue sèche et triviale des communicants en
marketing :
Tout
les matins faut se lever, faut s'arracher, faut le prendre son oseille
sur la journée, c'est pas aisé hein ?... Et je vous jure, c'est plein de
satisfaction. Donc, je vous jure, c'est ça la vraie vie, c'est ça
auquel on va se préparer, vous le savez ça, hein, c'est hyper important
que vous ayez ça en tête. on est en train de préparer aussi votre
confiance d'accord? La connaissance de vous-même. pour pouvoir avancer
il faut avancer sur des certitudes. j'ai bien dit des certitudes. est-ce
que vous avez tant de certitudes que ça sur vous?
Extrait d'une préparation au concours d'HEC
Extrait d'une préparation au concours d'HEC
Et aux clichés nous avons ajouté encore d’autres évidences :
Caroline Young : Il faut permettre aux entreprises
une plus grande flexibilité, de manière à ce qu’elles puissent créer
sereinement des emplois lorsqu’elles en ont besoin.
Intervieweur : Et donc ça veut dire aussi, pouvoir
licencier - plus facilement ?Caroline Young : Absolument !
Playback de la présidente d’Expert Connect, cabinet de lobbying
Comment
ne pas penser à la fameuse phrase du Guépard :
Il faut que tout change pour que rien ne
change
ARGENCRATIE
explore une dramaturgie ouverte, où l’aléa du
montage des situations croise et génère des contenus inattendus par
juxtapositions brutales des citations, et ouvre de nouvelles voies de réflexion
ARGENCRATIE /La finance comme spectacle, kaléidoscope de vanités
Si j'ai de l'argent j'ai les moyens d'être moi, si je cherche les moyens d'avoir de l'argent je suis cohérent avec moi, je deviens cohérent, je deviens uni.
Si je pense à l'argent je suis moi,
je suis au plus proche de moi,
je deviens constitutif.
C’est un effondrement des bavardages inutiles.
Christophe Tarkos, L’argentChaque jour, le « système économie » se survit à vue, et c’est cette survie qui se donne en spectacle dans tous les médias.
La gouvernance
mondiale est basée sur l’exploitation systématique de tout ce qu’il y a
d’automatique en nous, l’exploitation par le travail, l’automatisme de la
technique aussi bien que l’automatisme de notre cerveau reptilien. Détruisant
désir et sociabilité et déliant les pulsions.
Nous
qui sommes vides sans affaires, sans rien, nous qui avons toutes les
possibilités qui s’ouvrent devant nous pour avoir de l’argent, nous sommes des
possesseurs de l’argent. La loi est l’unique brutalité. Christophe Tarkos
Il nous reste à interroger le rapport entre d'un coté le bordel financier véhiculé par les médias, et de l'autre la psychologie d’impuissance qui construit notre présent social, là où notre fétiche démocratique ne semble plus d’aucun secours et où les slogans de nos dirigeants deviennent état de fait.
Nous nageons entre deux mondes, nous savons tous que notre temps est un
temps intervallaire,un chemin incertain, démocratie est aussi
aujourd’hui un mot intervallaire et incertain, un mot qui ne sait pas
d’où il vient et où il va, ni même à proprement
parler ce qu’il signifie, un mot qui ne fait que couvrir notre désir
passif de confort,la satisfaction où nous sommes de notre misère partielle.
Alain Badiou
ARGENCRATIE / Scénographie
Alain Badiou
ARGENCRATIE évoque « Le balcon » de Jean Genet qui peut être à la fois un espace commercial / espace désirant et un espace purement théâtral : le lieu où se révèle la perversion, où l’illusion de la représentation elle-même se pervertit, le lieu de la monstration du pire de nous même. Un faux cabaret tendu de velours rouge, où l’on viendrait pleurer sur le présent du monde, en découpant de vrais oignons, une place publique où se confronte fiction et réalité, un espace théâtrale inversé, où le public prend place sur le plateau, les gradins devenant alors la projection symbolique d’une société hiérarchisée.
Au centre trône la
démocratie, l’idée de liberté encore à vendre, l’urne « élective »
assiste et survit à l’indignation des faits, de la crise, de la montée des
extrêmes et de leurs spectres sur la scène européenne. La démocratie
instrumentalisée prend ici le rôle du premier des spectateurs,
le miroir où tout se réfléchit, et que devient-elle alors, la démocratie, là où
l’Histoire est la résultante de la collusion entre des strates d’histoires dont
la logique n’est que pure cupidité ?
Je crois que l'on voit poindre la
lumière au bout du tunnel. En Europe, nous nous complaisons dans le doute.
C'est une attitude très négative que nous devons changer. Notre propre
expérience nous a montré la difficulté d'imposer une politique courageuse de
réformes face à une vague de manifestations. Mais si l'on garde le cap, les
peuples s'en portent mieux au bout du compte.
Guido WESTERWELLE, Ministre allemand
des affaires étrangères, 2012
La démocratie
survit elle à ceux-là qui la vilipende ?
ARGENCRATIE / Le temps comme dommage collatéral
Un système qui se justifie et se renforce dans la seule nécessité
d'obtenir des gains à court termes est un bon produit d'appel, le temps qu'il
faut pour être critique, penser et construire n'est plus d'aucune
importance : il est déjà vendu. Nous avons braqué le projecteur sur ce
scénario aux visions court termistes mises bout à bout.
Tout est comme si, effectivement, le temps nous avait été dérobé. Reste cette
phrase de Walter Benjamin comme un recours :
Ecritures collectives extraites de :
Alain Badiou
« Quelques
images du temps présent », conférence à la Sorbonne, France Culture, 2013
François
Ruffin
« Vive
la banqueroute », écriture collective
Boris Carré
et François-Xavier Drouet
«
L’initiation », verbatim extrait du film, 2008
Alain
Resnais,
« Je
t’aime, je t’aime », verbatim extrait du film, 1968
Ecriture
collective
« Gommettes
cochon » d’après un témoignage, France culture, 2013
Christophe
Tarkos,
« L’argent »,
extraits, 1999
Pascal
Quignard
« Les
solidarités mystérieuses » en projection, 2011
Interview de
Caroline Young, présidente d’Expert Connect
France Inter,
« Là-bas si j’y suis », playback,
2013
Liliane
Bettencourt et Patrice De Maistre, enregistrement
Frenchleaks,
playback, 2010
Pierre Sarton
du Jonchay,
« La
plus grande arnaque juridico mathématique de tous les temps », Paul
Jorion.com 2013
Ecriture
collective
« Intérieur
berline noir », 2013
Pierre Carles
« Le
désarroi esthétique », verbatim, 1996
Walter
Benjamin
Jean Genet
« Le
balcon », 1956
ARGENCRATIE
Corporated.cloportes
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